La Comédie-Française abrite une troupe permanente, une exception en France. Chaque comédien dispose d'une loge à la Salle Richelieu, individuelle pour les sociétaires, parfois partagée pour les pensionnaires. Les loges s'étagent au-dessus de la salle, certaines donnant sur la place Colette, d'autres sur les jardins du Palais-Royal et les colonnes de Buren. Attribuées par la chef habilleuse, suivant un ordre protocolaire et hiérarchique, elles voient se succéder les générations d’artistes. Dans la plupart des théâtres, la loge est un espace fonctionnel avant tout, à la neutralité d'une chambre d'hôtel, où l’on s’installe provisoirement. On y range ses costumes, son maquillage, parfois on y distille son univers fait de quelques souvenirs, de photographies, mais au dernier soir de représentation, on fait ses cartons pour laisser place à un autre. À la Comédie-Française, du fait de la sédentarité de la Troupe, les loges tiennent une place particulière, deviennent des espaces personnels, aménagés, qui reflètent la personnalité de leur occupant du moment.
Un espace privé, au sein de l’espace public La loge laisse place à « l’intime » à l’intérieur d’un espace public – le théâtre – investi par une troupe de comédiens se donnant en représentation, tant sur scène que, parfois, dans leur vie privée. La loge se situe au carrefour de ces deux versants.
Un espace multifonction Espace mouvant, la loge est à la fois studio de travail, lieu de repos, vestiaire de costumes, salon où l'on peut accueillir des visiteurs, galerie intime qui, par les objets accumulés, s'apparente à un musée personnel. Elle ménage la coexistence du symbolique et du très particulier en mêlant souvenirs personnels, objets fonctionnels (miroir, maquilleuses, paravents), effigies de figures tutélaires (notamment Molière), mobilier représentatif du temps, portraits de soi, de camarades et d'acteurs admirés.
Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française